Vers une compréhension profonde des troubles bipolaires
La bipolarité se manifeste chez l’adolescent et le jeune adulte. Le trouble bipolaire est souvent confondu avec d’autres troubles de l’humeur, notamment la dépression. Aussi, le diagnostic de la bipolarité est très difficile. En moyenne, il s'écoule environ 10 ans avant que le diagnostic ne soit confirmé et qu’un traitement adapté mis en place.
L'étude ANTaRES menée par l’APHM à l’initiative du Pr Belzeaux vise à identifier des biomarqueurs qui permettront de différencier les troubles bipolaires de la dépression pour assurer une prise en charge adaptée à chacun d’eux.
Si vous êtes un professionnel de santé, vous pourrez découvrir prochainement l'étude ANTaRES sur la plateforme intertio
Au‑delà des Étiquettes : Comprendre le trouble bipolaire
Le trouble bipolaire, anciennement appelé la psychose maniaco‑dépressive, est une maladie psychique chronique caractérisée par une fluctuation de l’humeur.
Le mot bipolaire résulte chez le patient atteint de ce trouble d’une alternance entre des épisodes de dépression et des épisodes maniaques d’intensité et de durée variables. Ces épisodes sont séparés par des intervalles de rémission dont la durée diffère d’une personne à une autre.
La maladie se manifeste généralement chez l’adolescent et l’adulte jeune. Un traitement adapté n’est instauré qu'après 10 ans du début de la maladie.
Explorer les chiffres : La prévalence du trouble bipolaire
La maladie touche 1 à 2,5% de la population française
Le trouble bipolaire commence en général vers l'âge de 15‑25 ans. Il touche de proportion égale les femmes et les hommes. Il est rare chez l’enfant.
60% des patients bipolaires sont concernés par la consommation ou l’abus de substances dont l’alcool
Elle occupe le 6ème rang des maladies génératrices de handicaps.
La prévalence du suicide dans le trouble bipolaire est estimée à 10 à 15% et à 44% chez les adolescents.
Les rouages du trouble bipolaire : Décryptage des facteurs de risque et causes
L’origine exacte de la maladie n’est pas complètement connue. En effet, elle est multifactorielle avec l’intervention de facteurs biologiques et génétiques responsables d’une mauvaise régulation des neurotransmetteurs et des troubles du fonctionnement et de la communication des cellules nerveuses.
Certains éléments peuvent déclencher le trouble bipolaire chez des personnes prédisposées:
- stress,
- troubles du sommeil
- facteurs psychologiques et socio‑environnementaux
- consommation de certaines substances: alcool, drogues, tabac…
- certaines maladies
- prise médicamenteuse: certains médicaments peuvent déclencher la bipolarité chez les patients, notamment les traitements de la maladie de Parkinson.
Naviguer les Vagues de l'Humeur : Les symptômes du trouble bipolaire
Le trouble bipolaire se caractérise par une alternance entre des phases de manie (ou hypomanie qui est moins sévère) et des phases de dépression.
Ces phases symptomatiques alternent avec des périodes de rémission. Dans le cas général, un des troubles prédomine mais une minorité de personnes peuvent présenter une alternance continue entre manie et dépression.
Ces épisodes durent entre quelques semaines à quelques mois (6 mois). La durée entre deux épisodes est variable, ils peuvent être peu fréquents (quelques épisodes dans une vie) tandis que d’autres patients présentent des cycles rapides (plusieurs cycles par an)
Une alternance de 2 états : maniaque ou hypomaniaque/ états dépressifs
1er état manie ou hypomanie
Manie
L'épisode maniaque est plus court que l'épisode dépressif. Il dure une semaine ou un peu plus.
Pendant ces périodes le patient est très actif, heureux, jovial, agité, euphorique, il prévoit des projets et prend des décisions non réfléchies (grosse dépense, engagement important…). Le patient a une grande confiance en lui, il est irritable, exalté, ne dort pas et parle plus que d’habitude. Il présente une grande énergie. Le patient peut avoir un comportement risqué ou un mauvais jugement.
Hypomanie
Dans certains cas, le patient peut présenter une hypomanie qui n’est pas aussi grave que la manie. La personne se sent joyeuse, a besoin de peu de sommeil, elle est pleine d'énergie, hyperactive et confiante.
Les symptômes de l’hypomanie sont moins graves que ceux de la manie. En général, la vie du patient n’est pas gravement perturbée. L’hypomanie peut se transformer en épisode maniaque généralisé ou en dépression grave.
Hypomanie | Manie | |
Durée minimale | 4 jours | Une semaine ou plus |
Intensité des symptômes | Peu sévère | Elevée |
Fonctionnement psychosocial | Pas d'altération | Altération du fonctionnement |
Symptômes associés | Pas de symptômes associés | D’autres symptômes peuvent être présents |
2nd état : l'épisode dépressif
La phase dépressive survient après la manie. Elle se caractérise par:
- une grande tristesse,
- une perte de l'élan vital et de l'intérêt pour les activités,
- des idées suicidaires, tentative de suicide,
- des troubles du sommeil,
- des fluctuations de l'appétit et du poids,
- un sentiment de culpabilité et de désespoir,
- une fatigue et perte d'énergie.
Ces symptômes sont présents presque tous les jours et durant des périodes d'au moins deux semaines.
Symptômes associés aux troubles bipolaires
La maladie peut être associée à d’autres symptômes présents ou non.
Symptômes psychotiques
Certains patients peuvent présenter des symptômes psychotiques associés à leur trouble:
- délire
- perte du sens de la réalité
- idées sans fondement
- hallucinations.
Symptômes catatoniques
Ces symptômes sont présents chez 25% des patients:
- lenteur
- agitation extrême
- mouvements et posture étranges.
Au‑delà du standard : les cas particuliers du trouble bipolaire
Épisodes mixtes
La manie (ou hypomanie) et la dépression peuvent se manifester simultanément. Les personnes ayant un épisode mixte peuvent présenter une angoisse et une tristesse au milieu d’une période d’exaltation.
Les épisodes mixtes sont difficiles à diagnostiquer et sont accompagnées d’un risque de suicide élevé et nécessite un avis d’urgence d’un psychiatre.
Le post‑partum
La dépression ou la psychose post partum peuvent déclencher le trouble bipolaire
Addiction
Face à une addiction, le trouble bipolaire doit être recherché chez les personnes dépendantes à l’alcool ou aux stupéfiants.
Diagnostic en Profondeur : Découvrir et Comprendre le Trouble Bipolaire
Le diagnostic est clinique. Toutefois il reste difficile du fait de la multiplicité et de la variété des symptômes. De plus, la durée entre les 2 phases peut être longue. Ce n’est que pendant la période dépressive que les patients consultent. Pendant la phase maniaque, le patient est euphorique et ne pense pas avoir de problèmes ; le patient ne pense pas à s’adresser à son médecin pendant cette phase.
Le diagnostic repose sur les classifications de symptômes DSM‑4, DSM‑5 ou ICD‑10. Pour poser le diagnostic, le médecin va réaliser l’examen clinique et il doit recueillir des informations auprès du patient (quand c’est possible) et de son entourage:
- rechercher les antécédents familiaux de maladies psychiatriques
- rechercher les antécédents personnels du patient: traumatisme, troubles de l’humeur…
- évaluer les épisodes précédents.
- rechercher des facteurs déclenchants
- évaluer le risque suicidaire
- rechercher les comorbidités anxieuses et les symptômes psychotiques
- évaluer le fonctionnement socioprofessionnel, scolaire…
Il doit éliminer les diagnostics différentiels: prise de médicaments, autres troubles et maladies, consommation de certaines substances.
Les examens complémentaires notamment les prélèvements biologiques ne sont pas nécessaires pour poser le diagnostic, mais trouvent leur intérêt pour éliminer certaines maladies comme l'hypothyroïdie
Il s’agit d’une maladie évolutive, le trouble bipolaire récidive chez 90% des patients.
Les différents types de bipolarité
Le DSM‑5 distingue 2 types de bipolarité:
- La bipolarité de type 1: Elle se caractérise par la présence d’un vrai épisode maniaque accompagnés par des périodes dépressives (avant ou après l’épisode maniaque)
- La bipolarité de type 2: Aussi appelée bipolarité atténuée. Elle se caractérise d'au moins un véritable épisode dépressif et d’un épisode hypomaniaque
On distingue un 3ème type qui est le trouble cyclothymique Il se caractérise par l’alternance de phases maniaques et de dépression très rapprochées. Les symptômes ne sont pas aussi sévères que les types 1 et 2.
Diagnostic différentiel
- La prise médicamenteuse: certains médicaments peuvent induire à une symptomatologie proche du trouble bipolaire comme la corticothérapie, les antidépresseurs, certains traitements du paludisme.
- Les substances psychoactives: l’abus ou le sevrage de certaines substances comme l’alcool, la cocaïne, les amphétamines qui donnent des symptômes thymiques.
- Certaines pathologies somatiques comme les maladies métaboliques et endocriniennes, maladies infectieuses qui touchent le cerveau.
- Autres affections psychiatriques: troubles de la personnalité, troubles de l’attention, schizophrénie, dépression…
Approches de prise en charge du Trouble Bipolaire: Main dans la Main
Le parcours du patient doit être bien coordonné. En effet, dès que le diagnostic est soupçonné, le patient doit être adressé vers un psychiatre pour confirmer le diagnostic et mettre en place le traitement adéquat.
La prise en charge de la maladie bipolaire est complexe et nécessite la collaboration entre le médecin traitant, le psychiatre, la famille et l’entourage mais aussi avec le personnel de santé du travail et de l'école.
Le consentement du patient doit être recherché dans la mesure du possible.
Traitement du trouble bipolaire
Le traitement repose sur les médicaments, la psychothérapie, l'éducation du patient et de son entourage et le soutien.
Le traitement médicamenteux
- Stabilisateur de l’humeur
le traitement de référence qui est prescrit en première intention est le lithium. Il permet de prévenir les récidives des épisodes de manie et de dépression.
Le lithium est associé à un anticonvulsivant ou un antipsychotique car il n’est efficace qu'après 4 à 10 jours.
Le lithium doit être contrôlé dans le sang du fait de ses effets indésirables multiples: somnolence, vertige, nausées…, il peut aussi causer une hypothyroïdie, une insuffisance rénale. Ces fonctions doivent être surveillées.
- Médicaments anticonvulsivants
Les traitements les plus utilisés sont le valproate, carbamazépine pour le traitement de la manie ou des épisodes mixtes.
Ces traitements trouvent leur intérêt chez les patients qui ne répondent pas aux autres traitements.
- Médicaments antipsychotiques
Les antipsychotropes de 2ème génération sont utilisés dans les épisodes maniaques soudains. Ils agissent plus rapidement et causent moins d’effets secondaires. Ils sont à privilégier dans certains cas.
- Médicaments antidépresseurs
Ils sont utilisés dans le cas de dépression sévère liée au trouble bipolaire. Ils sont utilisés pour une courte durée et en association avec les régulateurs de l’humeur et antipsychotiques.
Ces médicaments peuvent induire des effets secondaires parfois sévères. Il est primordial de surveiller le dosage pour les éviter et de savoir les détecter afin de les prendre en charge à temps.
Autres options thérapeutiques
- La sismothérapie
Les électrochocs ne sont indiqués qu’en dernier recours lorsque les états dépressifs ou maniaques résistent aux traitements.
- La photothérapie
Le principe est de regarder une lumière vive. Elle est utilisée en association avec les traitements.
- La stimulation magnétique transcrânienne
Cette technique est utilisée dans la dépression sévère ou liée à un trouble bipolaire.
Psychothérapie
Elle a un impact important sur la vie des patients. Elle leur permet de mieux comprendre la maladie, d'apprendre à vivre avec les symptômes et de mieux faire face aux problèmes, de détecter rapidement les signes de rechutes et à prendre le traitement correctement.
Les thérapies de groupe sont recommandées pour partager les expériences et aider le patient et son entourage à mieux comprendre la maladie. En effet, la participation de la famille et de l’entourage offre un soutien important dans la prise en charge du patient.
Education
Des programmes d'éducation thérapeutique sont proposés aux patients. Ils visent à l’informer sur sa pathologie, son évolution, à comprendre le traitement pour le prendre de manière conforme. Mais aussi, lui apprendre à mieux gérer ses émotions, détecter les facteurs déclenchants (stress, alcool…) et de les éviter.
Le patient doit comprendre l’importance d’une bonne hygiène de vie dans l'éviction des rechutes et des récidives. Il doit apprendre à :
- Réguler son rythme de sommeil
- Faire attention à son alimentation
- Limiter la consommation d'alcool, substances psychotropes…
- Pratiquer une activité physique.
Critères d’hospitalisation
L’hospitalisation est indiquée dans les cas suivants:
- État maniaque ou mixte avec une agitation importante et des troubles comportementaux
- Dépression sévère
- Risque suicidaire élevé ou tentative de suicide
- Personne isolée ou épuisement de l’entourage
Synthèse et Perspectives
Le trouble bipolaire est une affection psychiatrique chronique qui se caractérise par l’alternance entre des épisodes maniaques et des épisodes dépressifs entrecoupés de période de rémission.
L'étude AnTares ouvre des nouvelles perspectives pour le diagnostic précoce des patients.
Sources
https://ichgcp.net/fr/clinical-trials-registry/NCT05568823
https://www.camh.ca/fr/info-sante/index-sur-la-sante-mentale-et-la-dependance/le-trouble-bipolaire
https://www.frcneurodon.org/les-troubles-bipolaires/
https://www.psycom.org/comprendre/la-sante-mentale/les-troubles-psy/troubles-bipolaires/
https://www.inicea.fr/articles/pathologie/differents-types-bipolarite